Le 15 février 2014, alors que Hery Rajaonarimampianina était déjà président mais que le gouvernement était encore dirigé par Jean Omer Beriziky, une cargaison de bois de rose quitte le port de Toamasina pour rejoindre le port Jurong de Singapour. Là, une société devait décharger les marchandises, puis les mettre dans des conteneurs, pour qu’ensuite elles soient transportées vers Hong Kong. Les papiers sont signés les 17 et 18 février. Dès le lendemain, l’organisation mondiale des douanes est informée du départ de la cargaison de bois de rose. Une fois arrivé dans les eaux territoriales singapouriennes, le navire a fait l’objet d’inspection de la part des autorités locales, et près de 30 000 tonnes de bois de rose y avaient été surpris.
Si les importateurs de bois de rose avaient pourtant été acquittés en 2015, c’est, entre autres, parce que les autorités malgaches avaient confirmé l’authenticité des documents ayant permis le départ des marchandises de la Grande île. La décision d’acquittement ayant été cassée à la suite d’un appel du procureur, le procès devrait reprendre en avril. En attendant, sur la base de la décision rendue par le tribunal de première instance, L’Express de Madagascar reprend pour vous le périple illicite de ces bois saisis en mars 2014.
3 au 14 mars 2013 : La 16ème conférence des parties qui se déroule à Thaïlande inscrit le bois de rose de Madagascar à l’annexe II de la CITES. Cela signifie que des permis sont exigés pour l’importation commerciale et l’exportation ou la réexportation de cette espèce ;
17 mai 2013 : L’Autorité agroalimentaire et vétérinaire de Singapour publie une circulaire pour informer tous les opérateurs de l’inclusion des nouvelles espèces de faune et de flore dans les annexes de la CITES.
12 juin 2013 : L’obligation d’avoir des autorisations entre en vigueur ;
Novembre 2013 : La société Kong Hoo a engagé la société Jaguar Express Logistics Pte Ltd (JEL) en vue de décharger un navire du bois qu’il contient à son arrivée au Port Jurong, puis pour emballer ce bois dans des conteneurs, puis de déplacer les conteneurs au Port PSA pour l’expédition à Hong Kong ;
9 janvier 2014 : Le directeur général de Kong Hoo accepte les quotations proposées par la société JEL ;
12 février 2014 : Le chargement des bois sur le MV Oriental Pride est terminé ;
15 Février 2014 : Le MV Oriental Pride quitte le port de Toamasina pour le Singapour ;
17 – 18 février 2014 : Des autorités malgaches délivrent différents certificats et autorisations permettant l’exportation des bois de rose par la société ;
19 février 2014 : Les douanes de Singapour reçoivent un courriel du Regional Intelligence Liaison Office Asia Pacific (RILO AP) de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) de surveiller le navire MV Oriental Pride qui est soupçonné de transporter du bois illégalement exporté de Madagascar à Singapour, et de prendre les mesures nécessaires ;
26 février 2014 : Le secrétariat de la CITES notifie les Etats-parties que le gouvernement de Madagascar avait étendu le quota d’exportation zéro jusqu’au 14 avril 2014. Initialement, il était prévu que le quota d’exportation zéro s’étendait du 13 août 2013 au 14 février 2014 ;
27 février 2014 : Les douanes de Singapour ont transmis le courriel du RILO AP de l’OMD à l’Autorité agroalimentaire et vétérinaire de Singapour (AVA) ;
28 février 2014 : Le navire entre dans les eaux singapouriennes. Le manifeste de cargaison indique que le navire transporte 30 657 rondins de bois de rose. Le port de déchargement déclaré est Singapour ;
11 mars 2014 : le MV Oriental Pride amarre au Jurong Port, dans la zone de libre échange du port ;
11 mars 2014 : des informations selon lesquelles le MV Oriental Pride était porteur d’une cargaison illégale de bois en provenance de Madagascar parviennent à des agents de (AVA) ;
12 – 14 mars 2014 : 6 164 rondins de bois de rose ont été déchargés de la MV Oriental Pride. Les bois de rose déchargés sont déplacés sur un autre poste d’amarrage ;
14 mars 2014 : Des agents de l’AVA, dirigée par Mme Lye Fong Keng, directeur adjoint de la section Faune du département des réglementations des exportations de l’AVA, montent à bord du MV Oriental Pride. Leur travail est facilité par les douanes de Singapour qui ont informé le port de l’intention de l’AVA d’inspecter la cargaison. Il est découvert dans la soute du navire des bois de rose déposés en vrac. Les agents de l’AVA procèdent à la saisie des bois de rose découverts en soute et déjà déchargés. Au total, ils dénombrent 29 434 rondins de bois de rose, pesant environ 3 235 tonnes métriques ;
Avant 19 mars 2014 : Mme Lye a été informée, d’abord par une certaine Mme Sabine, puis par Mr Jean Claude, directeur général du ministère de l’Environnement et des forêts, que les documents présentés comme preuve et censés émaner des autorités malgaches n’étaient pas authentiques
19 mars 2014 : Mme Lye, responsable de l’AVA, adresse un e-mail au directeur général de la compagnie ordonnant le transfert et le stockage des bois dans un endroit situé en dehors de la zone de libre-échange, dans le cadre des investigations de l’AVA, et en attendant la vérification des documents en provenance de Madagascar ;
24 mars 2014 : Le défendeur envoie à Mme Marie Sabine Dorothée du ministère de l’Environnement et des forêts une lettre demandant si les documents délivrés les 17 et 18 février sont authentiques ;
28 mars 2014 : Le premier défendeur reçoit un e-mail confirmant l’authenticité des documents. La responsable de l’AVA est en copie dudit courriel. Face aux réponses contradictoires venant de Madagascar, les responsables de l’AVA ne sont pas arrivés à trancher de l’authenticité des documents ;
16 avril 2014 : Un rapport d’inspection de l’équipe de Double Helix Tracking Technologies Pte Ltd confirme que les bois appartiennent effectivement à l’espèce Dalbergia de Madagascar, espèce faisant partie de l’Annexe II de la Convention sur le commerce des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction ;
Mai 2014 : L’AVA présente les documents d’enquête à l’AGC ;
3 octobre 2014 : Assignation des accusés ;
5 novembre 2014 : Première apparition des accusés devant le juge ;
4 novembre 2014 : Mme Pia Jonsson, un officier de soutien à l’application de la CITES écrit à l’organe de gestion de la CITES de Madagascar pour vérifier l’état de l’enquête menée par la partie malgache. La réponse du gouvernement malgache faisait état d’une avancée de l’enquête ;
3 – 4 décembre 2014 : Des hauts fonctionnaires du gouvernement malgache sont venus à Singapour pour résoudre les problèmes ;
9 janvier 2015 : Le ministre de l’Environnement, de l’écologie et des forêts de Madagascar ont confirmé que les documents des 17 et 18 février étaient authentiques ;
20 janvier 2015 : Un courrier électronique du ministre de l’Environnement, de l’Ecologie et des forêts de Madagascar envoie un courriel confirmant l’authenticité des documents utilisés pour faire sortir les bois du port de Toamasina. Ce courriel fera dire à Mme Lye les documents sont effectivement authentiques ;
24 avril 2015 : L’accusation informe le juge de district que la charge est modifiée au cours de la conférence préparatoire au procès ;
1er juillet 2015 : L’accusation dépose l’acte d’accusation modifié ;
28 octobre 2015 : Le tribunal de district de Singapour prononce la relaxe, équivalant à un acquittement, des accusés. Le procureur fait appel du jugement ;
19 février 2016 : La Cour suprême de Singapour casse le jugement, et ordonne un nouveau procès. Ledit procès est attendu en avril.