Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Trafic des ressources naturelles de Madagascar: Parlons-en!
29 janvier 2016

Roches malgaches : le pillage en silence

Ce pourrait être une photo de carte postale. De la verdure à perte de vue digne des plus beaux paysages qu'a l'habitude de nous offrir Madagascar. Pourtant, au beau milieu de cette forêt se trouve " un trou profond de 45 mètres étendu sur la surface de deux terrains de football ", relate Julien Sartre du Quotidien de La Réunion dans un article paru le ce mercredi 27 janvier 2016. Ce trou, c'est la carrière d'Ambokatra destinée à fournir les roches massives qui alimenteront le chantier de la Nouvelle Route du Littoral (NRL). Un pillage en silence au vue et au su des autorités françaises, dont la Région, et malgaches

Contrairement à ce qu’avait affirmé Dominique Fournel, vice-président de la Région Réunion en charge de la NRL, 220 000 tonnes de galets malgaches alimenteront le chantier de la nouvelle route du littoral. Déjà plusieurs milliers de tonnes ont été livrées et d’autres cargaisons sont prévues d’arriver dans les prochaines semaines.

Si cette importation pose indubitablement la question de la pertinence des études qui ont été faites avant le lancement du chantier et l’attribution du chantier, ces roches malgaches soulèvent plusieurs autres interrogations : " Cette goutte d’eau (220 000 tonnes de roches sur les 19 millions de tonnes prévues pour le chantier – NLR) n’est pas sans poser de nombreux problèmes environnementaux, éthiques et aussi politiques ", souligne le Quotidien.

Des problèmes environnementaux à plusieurs titres tout d’abord. Les photos publiées par le Quotidien le montrent, l’ancienne colline d’Ambokatra où jadis trônaient des arbres du voyageur est aujourd’hui défigurée avec " un trou profond de 45 mètres étendu sur la surface de deux terrains de football ". Les villageois qui vivent non loin de la carrière ont quant à eux " bien du mal à trouver le sommeil " rapporte le journal qui décrit le va et vient des camions, la nuit, pour éviter " de congestionner la circulation dans le centre-ville de Tamatave la journée ".

Plus inquiétant et qui concerne directement La Réunion, l’efficacité du processus de lavage des roches malgaches est mise en doute, et ce, alors que  le Préfet avait conditionné la possibilité de ces importations au le respect des réglementations sanitaires et environnementales en vigueur. Selon le Quotidien, deux bateaux sont missionnées afin d’arroser les chargements de galets, ce qui ne manque pas d’agacer le directeur général de la société du port autonome de Tamatave, Christian Avellin, qui ne cache d’ailleurs pas " qu’il est plus que réservé sur l’efficacité du processus ".

Le Quotidien se penche aussi sur les autorisations d’extraction de ces roches, rappelant que le collectif pour Madagascar présidé par le docteur Philippe Andriatavy avait saisit le 18 novembre 2015 l’Office nationale de l’environnement malgache afin de demander la " suspension de l’exploitation de la carrière d’Ambokatra – Toamasina pour usage non conforme au permis délivré " ainsi qu’une " étude d’impact environnemental et humain ". " Cette carrière n’est pas faite pour exporter des roches massives. Elle existe depuis longtemps afin de fournir en graviers et en sable la région de Tamatave. Lorsqu’une multinationale paye seulement 0,5% de taxes alors qu’elle se sert du sol malgache pour construire une route à La Réunion, j’appelle cela du pillage de ressources ", s’emporte le président du Collectif pour Madagascar dans les lignes du Quotidien.

Cette requête est finalement restée " classée ", selon le Quotidien qui parle de situation désormais " clarifiée ", grâce notamment au système des " ristournes ", un moyen légal d’ " acheter " l’accord des autorités malgaches et de lever certaines barrières qui pourraient constitués des freins à la poursuite des extractions. Le Quotidien fait également référence à des " ristournes occultes ", moyen bien connu à Madagascar où la corruption fait malheureusement rage. " Nous avons fourni des tables et des chaises de seconde main au ministères des Mines " reconnaît d’ailleurs Jean-Baptiste Guénet, le directeur général de Colas Madagascar, société en charge de l’exploitation de la carrière d’Ambokatra pour le compte du chantier de la nouvelle route du littoral.

Cet article pose plusieurs questions de fond. A La Réunion, les boucliers ne cessent de se lever face aux projets de carrière, à Bellevue, aux Lataniers ou encore à la Ravine du Trou. Rien de plus normal compte tenu de l’impact tant environnemental qu’économique et humain que de tels projets peuvent avoir. Pourtant, à Madagascar, la question de l’humain semble avoir été balayée d’un revers de la main, comme si la population malgache n’avait pas son mot à dire quant à ses inquiétudes et à ses interrogations relatives à son bien être. Est-ce parce que Madagascar est un des pays les plus pauvres au monde que la France, par l’intermédiaire de La Réunion, se permet d’ignorer l’intérêt du peuple malgache au profit d’un chantier dont le montage stratégique et financier montre déjà des signes de préoccupations ?

En ce qui concerne l’impact environnemental, ces images peuvent donner un avant goût de ce qui attend les Réunionnais dans les prochains mois. Comme le rappelle Julien Sartre, la carrière d’Ambokatra ne concerne " que " 220 000 tonnes de roches malgaches, une " goutte d’eau " comparé au 19 millions de tonnes nécessaires sur le chantier réunionnais. D’où la question que l’on pourrait se poser : l’impact environnemental, esthétique, économique et humain des carrières qui pourraient prochainement ouvrir a-t-il été véritablement évalué par les services de la Région et de l’Etat ? 

Enfin, d’un point de vue éthique, peut-on se permettre de sacrifier les magnifiques paysages de Madagascar sur l’autel de l’avancement du chantier de la nouvelle route du littoral alors qu’aujourd’hui, et plus que jamais, la Région Réunion se targue d’être le chef de file d’une coopération régionale accrue, notamment dans le domaine touristique avec les Iles Vanilles dont Madagascar fait partie. Comment peut-on, d’un côté, défendre la cause du tourisme régional lorsque, de l’autre côté, on pille le territoire voisin ?

Alors que la convention de Rotterdam réglementant l’importation et l’exportation de produits dangereux a été élaborée pour protéger les pays du Tiers-Monde, le silence de la communauté internationale concernant le pillage de ressources (roche, fer, et autres matériaux précieux) à Madagascar  interpelle et pose la question de la valeur de ce pays et de sa population aux yeux du reste du monde…

 

http://www.ipreunion.com/photo-du-jour/reportage/2016/01/28/nouvelle-route-du-littoral-roches-malgaches-le-pillage-en-silence,38778.html

Publicité
Publicité
Commentaires
Trafic des ressources naturelles de Madagascar: Parlons-en!
  • Journalistes ou simples citoyens? Partagez vos infos avec preuve sur les trafics des ressources naturelles de Madagascar à traficmadagascar@yahoo.fr [!!Contacts confidentiels!!] Vos avis sont libres aussi en cliquant sur "commentaire" en bas des articles
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité